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Aller voir le pape au Panama, un rêve coûteux pour les Cubains

 Aller voir le pape au Panama, un rêve coûteux pour les Cubains

 

“J’ai dû emprunter”, confie Ramon Elejalde, 44 ans, un rouleur de cigares ravi d’avoir réuni l’argent nécessaire pour aller aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) au Panama, où Cuba comptera la plus importante délégation de son histoire.

Entre le billet d’avion, le logement, la nourriture, la facture pour chaque membre de la délégation s’élève à environ 680 dollars… soit près de deux ans de salaires mensuels moyens sur l’île socialiste.

“Certains comme moi ont dû financer eux-mêmes le voyage, et c’est vraiment difficile car le salaire ne suffit pas”, explique Ramon, venu participer, avec une centaine de pèlerins, à une veillée dans l’église Santo Angel Custodio, à La Havane.

Depuis sa première participation aux JMJ en 1987, Cuba a généralement été représentée par une délégation d’une dizaine de personnes, sauf à Toronto (Canada) où ils étaient 200. Cette fois, ils seront 471, un record.

Pourtant, aller à la rencontre du pape François ne va pas de soi pour les jeunes Cubains, qui ont grandi dans un pays où, pendant 30 ans (1961-1992), l’athéisme était la règle.

Même si le projet de nouvelle Constitution – soumise à référendum le 24 février – définit l’Etat cubain comme laïc, 85% de la population s’adonne au syncrétisme religieux, subtil mélange de christianisme et de rites afro-cubains.

– Eglise “pauvre” –

A l’avènement de la révolution en 1959, l’éducation religieuse privée avait été supprimée et de nombreuses propriétés du clergé confisquées. Depuis, l’Eglise cubaine se définit comme “pauvre”.

Elle a donc difficilement pu aider les jeunes voulant se rendre aux JMJ (22-27 janvier): “Plus de 60% de la délégation a financé elle-même son voyage et son séjour au Panama”, explique le prêtre Jorge Luis Pérez Soto, 37 ans, de l’archevêché de La Havane.

Et “un grand pourcentage de jeunes ont reçu de l’aide d’autres Eglises soeurs”, comme celle des Etats-Unis ou d’institutions catholiques internationales.

Les relations entre le gouvernement cubain et l’Eglise catholique se sont apaisées depuis la visite du pape Jean-Paul II en 1998.

Ce qui n’empêche pas les dissensions: lors du débat sur la nouvelle Constitution, dont une première mouture ouvrait la porte au mariage homosexuel, l’Eglise a fustigé cette évolution comme un “colonialisme idéologique” des pays riches. Le texte a finalement été modifié.

Elle a également regretté “l’absence de reconnaissance de la diversité de l’opinion politique”, alors que le Parti communiste cubain (PCC) reste “unique”.

– Rêver ou partir? –

Le projet de Constitution valide aussi l’ouverture économique du pays qui, sans renoncer au communisme comme objectif, a peu a peu admis l’activité privée, le marché et les investissements étrangers.

Indirectement, cela a stimulé la participation de Cuba aux JMJ.

“Les circonstances historiques ont changé”, observe Jorge Luis, et “avec tous les changements économiques qui se sont produits, l’ouverture à l’initiative privée (…), cela permet aux familles de pouvoir couvrir les coûts” du voyage au Panama.

“J’ai dû faire beaucoup de sacrifices pour réunir l’argent, mais mes parents et ma famille à l’étranger m’ont aussi aidé”, témoigne Brayan Gavilan, 24 ans, employé d’un magasin d’Etat qui travaille également comme serveur dans un “paladar” (restaurant privé).

Lors de sa visite à Cuba en 2015, le pape François avait appelé les jeunes à ne pas perdre leur capacité à rêver… et il en faut, dans cette île où ils sont chaque année des milliers à émigrer, frustrés par le manque de libertés politiques ou d’opportunités économiques.

A Cuba vivent 11,2 millions d’habitants, à l’étranger deux millions de Cubains. La population du pays est désormais la plus âgée d’Amérique latine, après celle d’Uruguay.

Maria de la Caridad Santos, étudiante en français de 23 ans, se dit “heureuse d’aller (au Panama) comme Cubaine”, un voyage qu’elle finance elle-même. Et si elle regrette que “les changements vont lentement” sur l’île, elle assure: “Je ne veux pas partir de Cuba”.

Pour Roberto Rasua, 25 ans, étudiant en sciences humaines et volontaire à l’épiscopat, “il est fondamental qu’un jeune Cubain accepte notre réalité car aussi difficile et compliquée soit-elle, c’est la nôtre”. “Il me reste beaucoup à faire ici”, insiste-t-il.

Publié le 17 Janvier 2019 par actu.orange.fr



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