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Au Panama, rencontre avec la tribu des gens heureux

 Vers une ré-insertion de la Caraïbe française dans les chaines mondiales d’approvisionnement .

Les touristes sont autorisés à débarquer sur ces plages paradisiaques pour quelques heures seulement. Les Indiens les accueillent en musique et se mêlent à eux pour profiter des joies d’une baignade dans une cascade. Francine Kreiss

C’est une rencontre hors du temps. Au cœur d’une jungle touffue du Panama, les Indiens Embera permettent à quelques touristes de vivre une expérience façon « Rendez-vous en terre inconnue ».

C’est une croisière où les mondes se succèdent sans jamais se ressembler. Après les lourdes écluses du canal de Panama, la mer des Caraïbes s’éloigne et quarante-huit heures plus tard débouche sur l’archipel des Perles et ses 200 îlots sauvages et quasi inhabités. La civilisation disparaît délicieusement au fil de l’eau.
Sur la côte ouest du golfe de Panama, bientôt une ombre oblongue et prometteuse nommée Playa Muerto. Le point d’entrée vers le parc national du Darien, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. C’est ce morceau de côte qui abrite secrètement le peuple des Embera.

Au petit matin, le soleil transpire une brume qui rend la plage mystérieuse. Une pirogue fonce sur notre bateau. Elle est armée de regards millénaires. Des traits de visages obliques et noirs. Des pommettes tranchées comme les vagues. Un chef indien s’amarre. Sans effusion ni cérémonial grotesque pour touristes, ils nous transportent jusqu’à leur plage. Le chef fait surfer sa pirogue sur les vagues qu’il connaît par cœur et nous dépose.
Le sable est noir et les cocotiers sont floutés par l’écume en fusion. L’horizon est désert mais le lieu est plein d’une énergie forte, indescriptible. A cet instant précis, nous sommes Christophe Colomb.

Pour préserver leur village et leur mode de vie, les Embera ont mis au point un écotourisme mesuré.
Pour préserver leur village et leur mode de vie, les Embera ont mis au point un écotourisme mesuré. © FRANCINE KREISS

Du vert tonique de la jungle surgissent des enfants vêtus de paréos colorés ou de pagnes rouges tenus par une maigre ficelle. Tous silencieux. Des femmes apparaissent par l’autre côté, puis des hommes, équipés d’arcs et d’instruments de musique. Notre arrivée était prévue. Nous les suivons jusqu’au village en traversant une longue palmeraie.
Une hutte de chaume et de bambous sur pilotis, plus haute que les autres, expire un délicieux fumet. A l’étage, un Indien nous attend. Des feuilles de bananier remplies de bananes frites ou confites de sirop de canne. Et aussi des marmites de manioc.

La tribu accepte les visiteurs, mais pas les étrangers
La tribu accepte les visiteurs, mais pas les étrangers © FRANCINE KREISS

Certains d’entre nous acceptent de se faire tatouer avec des stylets de bambou. L’encre éphémère (dix jours) est extraite du fruit de l’arbre « jagua » (aussi utilisé par le chaman pour soigner l’estomac et chasser les mauvais esprits. Mais ils n’auront pas droit aux dessins sacrés de la tribu. Seulement des motifs neutres qui ne blasphèment pas l’esprit des Embera). Car la tribu accepte les visiteurs, mais pas les étrangers. Par exemple, lors d’une union mixte, les bébés sont accueillis mais pas le parent étranger. C’est ainsi qu’ils ont pu sauvegarder leur culture.

Les Embera sont l’une des premières ethnies du Panama à participer à ce tourisme solidaire. E
Les Embera sont l’une des premières ethnies du Panama à participer à ce tourisme solidaire. E © FRANCINE KREISS

Au bas de la hutte, derrière une grappe de cocotiers, s’échappent des rires étouffés. Les femmes-enfants répètent leur chorégraphie dans le mouvement arc-en-ciel de leurs « parumas » (paréos) sous le regard sévère des mères. Car, aujourd’hui, c’est jour de fête et de… business. Les « Blancs » sont à terre. Il faut assurer le spectacle et défendre les valeurs des ancêtres. Alors elles dansent, ces amazones au regard frondeur. Les fillettes débordent d’espièglerie comme si elles avaient déjà tout compris au manège.

En retrait, un cocotier sanglote. Une fillette cachée derrière le tronc, avec ses longues couettes d’ébène, observe la scène, à la fois effrayée et attirée. Elle aimerait faire partie de la fête mais elle a peur. Peur des étrangers, qui rient et parlent trop fort dans une langue qu’elle ne connaît pas. Alors elle se blottit contre son arbre, triste de ne pas avoir le courage de ses sœurs.

Après la vente de l’artisanat local constitué de paniers de « chunga » (paille de palmier), de bracelets, de perles ou de sculptures de bois précieux, les enfants, dans un flot de rires, nous emmènent dans leur « piscine ». Après quinze minutes de marche en pleine jungle s’offre un point d’eau. Les fillettes et les garçons ont remplacé leurs parumas par des shorts. Plongées dans l’eau, les différences s’effacent pour laisser place à une joie primaire faite de connivence et d’eau cristalline. Certains s’aventurent à tester l’agilité de ces gamins qui sont nés dans l’eau et doivent parfois boire la tasse, à essayer de les attraper alors qu’ils filent comme des anguilles.

Les Embera sont l’une des premières ethnies du Panama à participer à ce tourisme solidaire. Et mesuré. Seuls quelques étrangers sont autorisés à venir les rencontrer. Ici, pas de parking ni de cars déversant des hordes de touristes. Pourtant, on ressent constamment le danger de pervertir un peuple si lumineux. Mais ce sont eux qui détiennent les rênes de la visite. Alors, peut-être que cette rencontre inoubliable ne leur enlèvera rien. Pour nous, elle reste gravée à jamais.

 

 

 

Publié le 2 Avril 2019 par https://parismatch.com/



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