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Trois ans après les Panama Papers, toujours pas d’harmonisation fiscale

 Trois ans après les Panama Papers, toujours pas d’harmonisation fiscale .

La Croix : Observe-t-on un vrai pas en avant des États européens en matière de lutte contre la fraude fiscale ?

Chantal Cutajar : Les « Panama Papers » ont mis en évidence un système de sociétés off-shore permettant à des particuliers et à des entreprises de réduire ou de s’exonérer de l’impôt. Pour tenter de restaurer la confiance des citoyens, le Parlement européen a décidé, en 2016, de constituer une commission d’enquête. Elle avait pour but d’examiner dans quelle mesure le droit européen devait être modifié en matière de blanchiment de capitaux, d’évasion fiscale et de fraude fiscale.

En mai 2018, l’Union Européenne a donc adopté une directive permettant de prévenir la dissimulation de fonds et de garantir une plus grande transparence des entreprises. Elle vise à éviter que les bénéficiaires réels des montages juridiques ne se cachent derrière des sociétés écrans.

En France, la nouvelle loi d’octobre 2018 permet de mieux détecter et d’appréhender la fraude fiscale. Mais contrairement à ce qui a été dit, elle laisse intact le « Verrou de Bercy ». Le procureur de la République ne pourra toujours pas se saisir d’initiative de faits susceptibles d’être constitutifs de fraude fiscale, car l’administration fiscale reste seule compétente.

Aujourd’hui, la coopération en matière de transparence fiscale est-elle facilitée ?

C. C. : Le problème est que tous les États ne se sont pas mis en conformité avec le droit européen. Le Luxembourg a été rappelé à l’ordre en novembre 2018 par la Commission. Elle a proposé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’imposer une somme forfaitaire et des astreintes journalières, jusqu’à ce que le Grand-Duché ait pris les mesures nécessaires.

La Commission européenne a également été contrainte de saisir la CJUE pour les cas de la Grèce et la Roumanie. Quant à l’Irlande, elle se voit reprocher une « mise en œuvre très limitée » de la directive. Ces carences dans la transposition du droit européen créent des espaces où la fraude peut prospérer.

En janvier 2019, la Commission a de nouveau épinglé dix pays pour transposition incomplète. Une lettre de mise en demeure a été adressée à l’Allemagne pour lui demander de se mettre en conformité. La Commission a également averti la Belgique, la Finlande, la France, la Lituanie ou encore le Portugal.

Les États avaient jusqu’au 25 mars pour transposer la directive européenne dans le droit national. À défaut, la procédure de sanction se poursuivra. Quant au Luxembourg, il a été jugé en novembre 2018.

Que préconisez-vous pour améliorer la prévention et la répression ?

C. C. : Il faut s’attaquer aux montages de sociétés écran qui permettent de contourner les obligations fiscales. Il est toujours possible de créer des sociétés offshore, d’acheter des sociétés en sommeil constituées de longue date pour créer l’illusion d’une activité commerciale. Or, ces montages juridiques n’ont pas d’autre utilité que de permettre à leurs utilisateurs de frauder le fisc, de blanchir des capitaux d’origine illicite.

Mais pour le moment, il n’y a pas d’harmonisation fiscale à l’échelle européenne. Il faudrait pour cela une prise de décision du Conseil européen, qui réunit les États. Car pour le moment, les États membres sont souverains lorsqu’il s’agit de définir la fraude fiscale et de poursuivre le blanchiment. Certains pays ont des intérêts à maintenir le flou. Seul un règlement européen imposant la transparence des sociétés pourrait permettre de neutraliser ces entités criminogènes. Il est nécessaire de mettre de la transparence là où il y a de l’opacité (1).

(1) D’après les estimations d’Europol, les « Panama Papers » concerneraient seulement 0,6 % du total des cas de blanchiment de capitaux recensés chaque année

Publié le 7 Avril 2019 par https://la-croix.com/



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